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Jess (Terminé)

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Message par Admin Jeu 17 Sep - 11:12

Jessica Dillinger
"Tu dois admettre que Dieu ne t’aime pas du tout. Il ne t’a jamais voulu. En toute probabilité, il te déteste, et ce n’est pas ce qu’il peut t’arriver de pire."

Généralités

   Nom ;; Dillinger
   Prénoms ;; Jessica
   Âge ;; 31 ans
   Genre ;; Féminin
   Origines ;;Anglaise naturalisée Japonaise
   Activité ;; Apprentie tatoueuse Irezumi
   Sexualité ;; Bisexuelle
   Avatar ;; Auuuucune idée
   Règlement ;; Validé - Shizu' ~
   Chemin ;; Hum...
   Commentaire ;; Hum heu...Tc...;_; Je peux avoir un petit un délais supplémentaire pour les corrections, tout ça?



What happened in your life ?
Objectivement, ta chambre était plutôt acceptable. Plus fonctionnelle que confortable et ne comportant rien d'autre qu'un lit et une armoire, certes, mais eh, il n'y avait absolument aucun loyer à payer! Ça restait un avantage non négligeable.
À ton arrivée, tu t'étais presque étonnée que les murs ne soient pas en papier de riz, vu les goûts de Horiyoshi pour le traditionnel et l'austérité. Mais non. Votre appartement était tout ce qu'il y a de plus occidental : grand, vide et carré. Sa seule qualité restait son emplacement proche du quartier de Kabukichō tout en restant assez compliqué à trouver pour que vous soyez tranquille.
Ceux qui viendront vous trouver ici sauront ce qu'ils cherchent, et les autres passeront leur chemin...

Allongée sur ton matelas, tu écoutes les bourdonnements de Tokyo, cette ville que tu viens à peine de retrouver, et qui pourtant t’écœure déjà. Lentement, une volute de fumée s'échappe de tes lèvres, tandis que tu joues du bout des doigts avec ton énième cigarette de la soirée. Tu pestes doucement en tournant la tête sur le côté. De jour comme de nuit, le brouhaha lointain de Kabukichō ne semble pas connaître de fin, ne te laissant aucun répit.
Dans quelques jours tu ne l'entendras plus, c'est certain mais, pour l'instant, il t’empêche tout simplement de fermer les yeux...

Pourquoi es-tu revenu? A cet instant, tu le ne sais même plus. Probablement as-tu pris la première excuse qu'on t'offrait pour rentrer à Tokyo sans froisser ton orgueil tandis que tu te drapais dans ton mépris écrasant. En tout cas, excuse ou non, le résultat reste le même: voilà une connerie de plus à rajouter à la longue liste des erreurs de ta vie. Tu ricanes à cette idée.
Tu en as fait du chemin Jess depuis quatre ans, et tout ça pour quoi? Pour revenir pourrir dans cette ville qui t'as détruite encore, encore et encore. A croire que tu l'as dans la peau, au final.
Ironique? Non, juste pitoyable.  

La première fois que tu découvris Tokyo, tu avais onze ans. Pourtant ça ne t’empêcha pas de détester cette ville dès le premier coup d’œil. Faut dire qu'à cette époque, tu semblais décidé à tout détester de ce pays, que ça aille des habitants à la terre sous tes pieds. Ouais, t'étais loin d'être une gosse facile : tu ne voulais pas être là, et ça se sentait. Rien n'échappait à ta mauvaise humeur constante, à tes crises de nerfs faciles et à ta mauvaise volonté mouillée d'acide. Tu étais résolue à haïr tout et tout le monde, et ce, sans laisser à qui que ce soit ne serait-ce que le bénéfice du doute. Sans surprise, tu fus rapidement seule.
En quelques années, haïr devint si naturel et les raisons tellement désuètes de sens...

Quand on y pensait, tu n'avais jamais voulu de ce déménagement ou de ce pays. Tu aurais de loin préféré rester avec ta mère à Bristol. Bien sûr qu'elle était alcoolique et incapable de s'occuper de toi, mais ça, tu t'en fichais. Tout ce que tu voulais à l'époque, c'était rester en Angleterre, qu'importe la compagnie. Hélas les juges en décidèrent autrement, et ton père eu ta garde exclusive. Comme souvent, tout le monde s'en fichait éperdument de ton avis sur la question. Comme quoi, dans les divorces, les enfants sont juste des dommages collatéraux.

Ton mal du pays était palpable et ton père qui ne cessait de te dire que vous finiriez par vous plaire ici n'arrangeait rien à la sensation. Tu as pleuré, hurlé et crié, mais aucune de tes crises de larmes ou de colère ne lui fit changer d'avis. Le Japon était désormais votre pays, et vous deviez vous y faire. Il y avait trop d'argent en jeu pour qu'il laisse sa gosse lui dicter sa vie, après tout.
Ton père était le genre d'ouvrier ultra-qualifié qui, à cause de ses compétences, ne pouvait travailler qu'à quelques endroits spécifiques. Tu sais, le genre d'employé totalement inutile pour quatre-vingts dix pour-cent des entreprises, et vital pour les dix restants. Du coup, quand son entreprise délocalisa, il se voyait déjà condamné au chômage pour le reste de sa vie, jusqu'à que les japonais le contactent pour lui faire une offre. Ça avait été un véritable miracle pour lui, enfin, pour vous, et il ne se passait pas un seul jour sans qu'il ne te le rappelle.
Le Japon te changea tout autant que tu changeas ton père. Avec le temps, il se fit de plus en plus pragmatique. De plus en plus dur. Chaque jour, il s'endurcissait un peu plus pour supporter la bombe à retardement que tu devenais...

À votre arrivée, tu fus envoyée dans une école privée pour étrangers. La praticité de ce genre d'établissement était les cours en anglais fort pratiques quand on ne pipait pas un mot de japonais. Le problème, en revanche, restait le règlement très strict et pas réellement porté sur les secondes chances. Avec ton caractère de merde et ton mal du pays constant, tu réussis à te faire virer en moins de trois mois, un exploit. Ton père n'eut plus d'autres options que de t'envoyer en école publique.
Encore une belle connerie...

S’intégrer à une foule de gens qu'on est résolu à détester est une tâche difficile. Tu essayas de jouer le jeu quelques semaines, peut-être même un mois, puis tu repris tes habitudes de pré-pubère rebelle, faisant l'école buissonnière le plus clair de ton temps. Remarque, c'est ainsi que tu te fis tes premiers amis: une petite bande de trois yankees ayant fait leur repère à quelques quartiers de ton école. Ils essayèrent de te racketter et tu les rétamas par terre. Ouais, ils avaient mal choisi leur timing pour te chercher. Vous vous êtes donc tapés dessus toute l'aprem, après quoi vous avez sympathisé en épongeant le sang coulant de vos nez respectifs. L'un d'entre eux baragouinait anglais grâce à sa mère, ce qui aidait pas mal à faire ami-ami.
Bref, le courant est passé, et une semaine plus tard tu ne les quittais plus.

C'est avec eux que tu appris le plus gros de ton japonais actuel, ce qui explique ta façon agressive, presque masculine de t'exprimer quand on te cherche. Vous n'étiez qu'une bande de gosses en manque d'action, constamment en train de vous prendre la tête avec les premiers passants ayant l'audace de vous regarder de travers. Vous étiez trop jeunes pour êtes dangereux, mais ça, ça changea bien vite. Surtout chez toi, Jess. T'étais une véritable boule de nerf, constamment en révolution contre à peu près tout et n'importe quoi. Tu tapais tout ce qui pouvait se frapper et tu haïssais tout ce qui te semblait haïssable. Et les choses t'allaient très bien comme ça.
Une belle petite teigne, en somme...

Avec les années, ton petit groupe devint de plus en plus conséquent, et de quatre mômes paumés, vous fûtes bientôt une dizaine, puis une quinzaine. Vous passiez vos journées à chercher les problèmes, et le reste du temps, c'est les problèmes qui vous trouvaient. Toi en tout cas, tu ne t'en plaignais pas: plus tu pouvais être violente, plus ça te plaisait.
T'as jamais été une tendre Jess, mais à l'époque, c'était pire : t'étais jeune et tu te pensais invincible. Tu ne réfléchissais jamais aux conséquences quand tu frappais des pauvres gars pour passer tes nerfs. Tout ce que tu voyais, c'est qu'après tu te sentais mieux. Ça avait un petit coté malsain, et le problème, c'est que ça te plaisait...
Contrairement à ce que beaucoup pensèrent, ce n'est pas tes fréquentations qui te rendirent à ce point bagarreuse, en vérité elles ne firent que ressortir ce qu'il y avait déjà depuis trop longtemps en toi: rébellion, violence, et insubordination.
Tu étais déjà une vraie furie, et ceux te tenant tête se comptèrent vite sur les doigts d'une main...  

Ton père te regarda faire pendant des mois qui doucement devinrent des années. Plus le temps passait, et plus votre relation semblait chaotique. Il ne se passait plus une semaine sans que tu ne quittes la maison en claquant la porte, partant parfois des mois entiers, ne revenant que pour quémander un peu d'argent. La situation devenait invivable, mais c'est à peine si tu en avais conscience, occupée comme tu l'étais à haïr chaque parcelle de ce monde.
Ta malveillance empoisonnait autant ta vie que la sienne...

Un jour, après une énième et violente dispute avec ton père qui te laissa au bord de l'hystérie, il décida qu'il était temps d'agir. Sur sa demande, tu fus envoyée en centre de rééducation et de soin pour mineur dans les heures qui suivirent. Naturellement, la nouvelle fut très mal accueillie mais, après quelques sédatifs, ils finirent par réussir à te contenir sans y perdre une main. On te plaça dans une chambre isolée, blanche et aseptisée et, à ton réveil, tu fis tes premiers pas dans la folie...

Combien de temps restas-tu là-bas? Des semaines? Des mois? Des années? Tu perdis le compte au bout du premier jour. Les médocs, ça te bousille rapidement le cerveau...
C'est difficile de rester sur ses positions quand tout le monde te clame ta démence, n'est-ce pas Jess? Toi, t'étais certaine d'aller bien, et eux étaient sûrs du contraire. À ton avis, entre une gamine et une bande de médecins diplômés, à qui donne-t-on le plus de crédit? Une yankee, c'est un déchet pour la société, or, un déchet ne peut pas aller bien, n'est-ce pas? Comment peut-on aller bien en vivant ta vie, Jess?
En vérité, à aucun moment, pas une seule fois ils ne t'ont aidé, tout au contraire. Ils ont même réussi à te faire croire en cette folie qu'ils voulaient tant voir en toi, à tel point qu’inconsciemment, toi aussi tu commenças à la voir. Ça ne t'aida pas vraiment à améliorer ton amour propre, c'est sûr...
À chaque fois que tu réalisais l'horreur de ta situation, tu avais l'impression de perdre un peu plus pied. Tu passais des crises d'hystérie aux crises de larmes en un instant, allant jusqu'à parfois ne plus prononcer un seul mot pendant des jours, pour mieux hurler les suivants, et ainsi finir sous sédatif pour le reste de la semaine.
C'était un cauchemar perpétuel, une boucle sans fin qui te ramenait toujours à la même case, au même point de départ. Ils ne lâchaient rien et revenaient sans cesse à la charge. Il fallait que tu acceptes leur diagnostic, il n'y avait aucune échappatoire, aucun compromis possible. Les semaines devinrent vite infernales, et les mois, abominables.
La lutte était inégale depuis le début...

Ils continuèrent d'affirmer que tu étais une honte, que ton attitude était un déshonneur aussi bien pour ta famille que pour ton pays et toi... Toi, tu t’essoufflais doucement, Jess. C'est épuisant de lutter constamment contre tout et tout le monde, n'est-ce pas? Qu'il est lassant de crier des vérités quand on finit soi-même par en douter. Avec le temps ils insinuèrent le doute dans ton esprit. ''Et s'ils avaient raison?'', le jour où cette pensée traversa ton esprit, ils gagnèrent enfin.
Ils avaient tout fait pour que tu boives la tasse, et dès que ce fut le cas, ils te noyèrent avec une froideur condescendante. Au bout de cinq mois, tu cessas de lutter, tu leur donnas raison. Tu acceptas d'être ''folle''. Un mois plus tard, tu fus libérée... Avec une liste de médicaments longue comme le bras à prendre tous les jours.

Tu quittas le centre de ''soins'' avec le plus gros traumatisme de ton existence, ton petit séjour forcé ayant donné naissance à ton incurable dépression, celle qui aujourd'hui encore tue ton entourage à petit feu, empoisonnant ta vie et te rendant, au fond, aussi fragile qu'une enfant. Tu adoptas des tendances auto-destructrices à peine une semaine après ta libération, commençant à cultiver ton tempérament cynique et sarcastique à la même époque pour pudiquement cacher ton mal-être sous des allures mensongères.
Et dire qu'à la base ils devaient te soigner...

Ah! J'allais oublier : histoire de rendre ton retour aussi perturbant que tout le reste, ton père t'annonça qu'entre-temps vous aviez déménagés. Tu sentis le mauvais coup arriver et tu ne te trompas pas : deux mois après ton départ, ton père avait reçu sa lettre de mariage. Tu avais désormais une belle-mère sortie de nulle part et bien décidé à ''t'aider'' à aller mieux. Fantastique.
Pour résumer, tu avais désormais une nouvelle maison impersonnelle, une nouvelle école détestable, de nouveaux médicaments abrutissants et surtout une nouvelle mère te suivant comme ton ombre. Tu n'essayas même pas de parlementer, te murant rapidement dans un silence prudent. Si le centre t'avait bien appris une chose, c'est que discuter quand le monde entier était décidé à te donner tort était une mauvaise idée.
Tu montras patte blanche aussi longtemps que nécessaire, et à la première occasion, tu fuguas sans un regard en arrière.

Vivre en tant que fugueuse n'était pas si compliqué que cela. Tu avais suffisamment de contacts et d'amis pour toujours avoir au moins un endroit où loger quelque temps. Autant dire que tu te fis rapidement à la vie de parasite. Puis t'étais jolie, Jess, voir même un peu exotique avec ta frimousse purement britannique. Tu n'avais pas encore seize ans, mais tu savais facilement te donner quelques années supplémentaires au besoin. Mentir était aussi simple que voler ou arnaquer quelqu'un : tout était une question d'expérience. Tu deviens rapidement très bonne à ces petits jeux, il le fallait. Tu te fis de nouveaux "amis", allant des punks à chiens aux petites frappes, tu eus une nouvelle bande de yankees toujours aussi paumés, puis tu commença à grandir.
On passe à l'adolescence.

La première fois que tu rencontras un yakuza, tu ne savais pas vraiment ce qu'ils étaient. Tu les prenais pour des loubards avec de l'argent, et tu compris vite que c'était un peu plus compliqué que ça. Le tien n'était qu'un sous-fifre, mais ça te suffisait, il t'offrait plein de trucs, et tu ne crachais pas dessus.
La pègre, quand on commence à y tremper les pieds, c'est difficile d'en sortir par la suite, mais ça, à l'époque, tu ne le savais pas vraiment.

Ton yakuza fut un de tes premiers amants, de ceux à qui tu mentis un peu sur tout, mais qui goba si bien tes mensonges que tu n’eus pas même l'ombre d'un remords. Soyons clair: il se fichait de ton histoire tant que t'écartaient les cuisses, votre relation lui allait et ton âge factice aussi. C'était pratique aussi bien pour lui que pour toi, alors tu restas un moment dans ses draps. Tu aurais pu lui ruiner sa vie du haut de tes quinze ans, mais tu n'en fis rien. Votre relation dura quelque semaines, presque quelques mois, puis il dû partir de Tokyo pour rejoindre un autre clan, et tu retournas chasser une nouvelle victime...

C'est un peu à la même époque que tu commenças à te prendre au jeu de la séduction. Tu t'étais mise à fumer pour te donner l'air plus vielle, plus ''cool'', mais dans le fond tu n'étais rien de plus qu'une gamine crapotant à peine. Tu jouais avec le feu sans réellement avoir conscience du danger, et tu te brûlas bien une ou deux fois, mais cela fut sans réelle incidence. Pour toi, le risque faisait partie du jeu. Tu appréciais peut-être un peu trop le regard des autres sur toi, mais tu n'en avais pas encore conscience en ce temps...
Il n'y a pas pire drogue que l’attention des autres, n'est-ce pas Jess? Certes, tu avais toujours détesté qu'on t'ignore, mais à l'adolescence, ce fut pire. Ce qui au début n'avait été qu'un jeu devint très vite une nécessité. Un besoin. Il fallait toujours que tu passes avant le reste, avant tout le reste au risque que tu rentres dans une colère aussi noire que destructrice. Heureusement pour toi, tu avais déjà ce charisme malsain et séducteur qui les attiraient comme des mouches, le tout sans le sensuel et le mature... Fallait pas rêver, t'étais juste une gamine en manque continuel d'affection.

Les années s'enchaînèrent sans mal, plus décadentes les unes que les autres. Vers tes dix-sept ans tu retombas dans le cercle vicieux de la violence, aussi bien envers les autres qu'envers toi-même. Tu étais toujours dépressive, et ce mal qui jusque-là s'était tapis en attendant le bon moment pour appuyer là où ça fait mal, recommença à te tirailler. Tu redevins violente, bagarreuse. Il n'était pas rare que tu te prennes la tête avec d'autres Yankees avec la ferme attention de t'éclater, au sens propre du terme, un maximum. Tu les poussais systématiquement à l'affrontement. Il t'en fallait plus. Toujours plus. Tu aimais l'adrénaline de ta rage peut-être autant que la douleur de leurs coups.
Sauf qu'un jour tu fis la conne et te pris un coup de couteau dans le ventre. T'avais beau l'avoir cherché, ça piquait pas mal, quand même...

Si j'me trompe pas, t'as bien failli crever ce jour là, non? Allez, quand même: t'étais en train de te vider de ton sang sur un trottoir, avec tes potes qui ne savaient pas comment réagir, essayant vainement de ne pas paniquer pour éviter l’attroupement. Tu ne leur facilitais pas la tâche en refusant tout net d'aller à l’hôpital, préférant mourir ici plutôt que de retomber dans les mains de ceux qui pendant des mois t'avaient bourré de médocs pour ton "bien''. Alors ils ont fait comme ils pouvaient, du coup. Pour stopper l'hémorragie ils s'en sortirent comme des chefs, mais pour recoudre... Heureusement qu'au moins l'un d'entre eux avait fait des études de médecine de base. Pendant ce temps, t'étais plus vraiment en état de savoir qui était en train de te charcuter et comment il le faisait, après ta deuxième bouteille, t'aurais même pas su dire où vous vous trouviez...
Finalement, ils réussirent à te sauver et tu t'en sortis plutôt bien, tandis qu'une cicatrice assez moche te barrait désormais la moitié du ventre...

Bon, autant dire qu'après ça tu vécus assez mal ta cicatrice. Déjà, elle était assez douloureuse quand tu bougeais, mais en plus elle était clairement horrible, semblable à une sorte de grosse boursouflure qui plusieurs fois t'avais valu de perdre l'attention de tes victimes.
Heureusement, t'avais un ami - encore un - tatoueur et perceur. C'est lui qui te parla pour la première fois de scarification et des différentes possibilités pour rattraper ta cicatrice. Il ne pouvait rien pour la douleur, mais pour l'apparence, en revanche... Tu acceptas avant même qu'il n'ait le temps de finir son speech.
Beaucoup pensent que la scarification artistique est une façon détournée de se mutiler. Pour toi, c'était une façon de cacher l'évidence. Ton mal d'être était toujours là, te dévorant de l'intérieur, et même si tu l'ignorais à la perfection, tes attitudes bagarreuses, limite autodestructrice parlaient pour toi. Alors oui, la scarification fut pour toi une façon d'extérioriser ta douleur psychique sans inquiéter personne. Pendant un instant, tu avais l'impression de pouvoir respirer.
C’était si agréable, si libérateur. Il était inévitable que tu deviennes accro à cette délivrance. Sans surprise que ton corps se retrouva très vite parsemé de différents entrelacs et arabesques qui parcheminèrent tes formes de long en large.
Aujourd'hui, la plupart de tes scarifications ont été recouvertes, habillées par des tatouages quand l'envie de mettre de la couleur sur ton corps te vint. Faut croire qu'avec les années, tu gagnas en harmonie...

Tu travaillas pendant quelque temps en tant qu’apprentie avec ton pote tatoueur. Un moyen comme un autre de le rembourser tout en assouvissant ta nouvelle passion. Votre relation ne fut pas du tout professionnel, mais s’arrêta au sexuelle, ne devenant jamais passionnelle. C'est lui qui t'apprit les bases du tatouage et du piercing, pour lesquelles tu te débrouillas très vite, quand bien même tu n'y trouvais qu'un intérêt limité pour ça. Tu étais loin d'envisager en faire ton métier, à cette époque...
Oui, ta passion pour l'art du tatouage ne vint que bien plus tard. On y reviendra.

Avec tout ça, tu finis quand même par atteindre la majorité, presque surprise d'avoir survécu jusque-là. Histoire d'être tranquille et puisqu'on ne risquait plus de te ramener de force chez ton père ou en centre, tu remis tes papiers en règle. Je n'irais pas jusqu'à dire que tu mûrissais, mais ça y ressemblait pas mal. Tu quittas le style punk pour le rock, et tu abandonnas les coupes de cheveux déstructurées pour du plus de classique, laissant tes cheveux tomber sur tes épaules. Tu commençais à apprécier l'idée d’être plus femme que gamine.
C'est d'ailleurs à cette époque que tu commenças à dégringoler une nouvelle pente. Comme si tu ne touchais pas déjà assez le fond...

Soyons clair: la drogue, tu connaissais déjà mais, jusqu'alors, tu t'étais toujours arrêtée à deux trois joints ou un peu d'exta à l’occasion. T'étais encore loin du cliché de la toxicomane, mais ça ne dura pas. Tu commenças par la cocaïne, entraînée, presque forcée, par des amis, puis très vite tu goûtas à l’héroïne. Une saleté cette merde. Tu en avais le plus souvent ''grâce'' à tes contacts, à tes amants et le reste du temps tes payes y passaient. Tu deviens accro avant même de t'en rendre compte, recherchant toujours les sensations du début sans jamais pouvoir les retrouver.
La dépendance, on apprend vite à vivre avec. Toi qui passais ton temps à dépendre des Hommes, tu ne voyais pas réellement de différence entre courir après ta dose ou après les autres. Dans les deux cas, seules les sensations que tu en tirais te plaisaient...

Enfin, on arrive à ce qui nous intéresse : ta rencontre avec Lui, Joshua Sullivan, le beau gosse qui te tapa dans l’œil trop facilement. Ça aurait dû te mettre la puce à l'oreille. Il paraissait bien plus vieux que ses dix-sept ans, et ce n'est qu'après coup que t'as appris qu'il était mineur. Il s'était joué de toi comme tu t'étais joué de tant d'hommes à une autre époque. Ça te plaisait. Tout te plaisait en lui.
Inséparables dès le premier jour. Tu le détestais de te rendre amoureuse. L'amour, c'est toujours chiant. Avec lui, ça l'était un peu moins. On a beau dire que c'est gnangnan, à la fin, on est quand même victime du bordel, tu sais? On n'appellera pas ça un coup de foudre, parce que tu n'as jamais aimé cette expression, mais ça en avait quand même vachement l'air. Votre relation était un peu du type du ''je t'aime, ta gueule'', et ça te plaisait. Pas besoin de grande déclaration quand vos corps parlent pour vous, hein? Vous vous engueuliez probablement autant que vous vous aimiez.
Tu l'avais dans la peau ce mec, et aujourd'hui encore, tu saurais pas dire pourquoi...

Hélas, il n'y a que dans les contes de fées que l'amour guérit de tous les maux. T'étais toujours malade Jess, tu sais, l'auto-destruction, l'hystérie, tout ça. C'est aussi pour ça que tu évitais continuellement les relations sur la durée en temps normal, parce que le temps finissait toujours par trahir ton mal d'être... Bien sûr, plus d'une fois tu claquas la porte de votre appart avec l'idée de ne plus y revenir, mais plus d'une fois tu réapparus toute conne le lendemain matin sans trop qu'on sache pourquoi. Les draps vous consolaient à chaque dispute. Du moins, au début...
Jess, il n'y avait pas que vous deux dans cette relation. Il y avait aussi ta dépression, ton mal d'être, ta douleur, ta haine et ta colère. Alors lui, forcément, il se prit tout dans la gueule, d’abord au fil des mois, puis des années. Au début, il ne broncha pas. Il aimait ton cynisme, et toi, tu l’aimais tout court.

Votre relation dura quatre ans, sans que personne ne sache réellement comment. Quatre ans pendant lesquels tu fus presque bien, tandis que lui dépérissait à vue d’œil. Tu le tuais, le trompais et le blessais. Que ce soit volontaire ou non importait peu, le problème était plus dû au fait que tu continuais sans cesse...
Il passait presque plus de temps à te soigner qu'à t'aimer. Et toi, toi... Tu avais beau le chérir, ça n'enlevait rien à ta nature toxique. Tu l’empoisonnais comme la plus perfide des fleurs. Oui, tu étais consciente du mal que tu lui faisais mais, égoïstement, tu ne faisait rien pour changer cela. Tu voulais le garder avec toi, auprès de toi, quitte à le faire sombrer pour cela. Tu t'en es toujours voulu pour ça, n'est-ce pas? Votre relation était une impasse, malgré vos efforts, malgré votre amour. Alors, un jour, Josh quitta votre appartement.
Et il ne revint pas le lendemain matin, ni les suivants...

Il était sorti de ta vie de la même manière que tu étais entrée dans celles de dizaines de gars avant lui, semblable à une tempête que rien n’arrête. Il fit les choses proprement: numéro, amis, adresse, personne ne savait où le trouver et plus rien n'était valide. Ton ego t’empêcha d'insister plus d'une journée et tu abandonnas très vite tes recherches. Il t'avait largué pour pouvoir survivre, c'était aussi simple à comprendre que ça...
Tu t'attendais à quoi, Jess? À ce qu'il supporte éternellement ton fardeau? T'es le genre incurable comme fille, d'abord pour toi-même, mais aussi pour les autres. Combien de fois l'avais-tu trompée juste pour le plaisir de lui faire mal? De te faire mal? Tu voulais souffrir?
Désormais, tu en avais tout le loisir...

Bon, les mélodrames ça va un instant, mais tu n'as jamais été le genre de femme à pleurer, prostrée dans ton coin, en attendant de te déshydrater sur place. La colère a toujours été la réponse à tout chez toi. À la place, donc, tu détruisis intégralement votre petit appart, allant jusqu'à te bousiller les ongles en arrachant la moquette, avant de casser tout ce qui était encore cassable chez vous. Après quoi tu mis le feu à ses affaires restantes avant de quitter les lieux à ton tour. Tu t'en foutais, c'était à son nom.
Pour ceux qui doutaient encore du fait que tu vivais plutôt mal les rejets, cet épisode leur confirma. Si ce petit acte de destruction gratuite ne te soigna pas, il eut au moins le mérite de faire disparaître ta peine quelque temps.
Après une courte réflexion de quelques jours, tu décidas de quitter Tokyo une semaine à peine après votre rupture. Tu jetas ton téléphone et partis à Yokohama. T'avais besoin de prendre l'air, et si tu ne te trompais, un vieil ami à toi vivait là-bas...

Un mois à peine après ton arrivée, tu retrouvas donc l'un de tes premiers jouets : le Yakuza de tes quinze ans. Tu fus presque nostalgique en le voyant. C'est lui qui te reconnut en premier, mais c'est toi qui t'amusas à le séduire d'abord. Il n'avait pas beaucoup changé, si on excluait ses cheveux désormais poivre sel et sa carrure encore plus carrée qu'autre fois. Le jeu reprit bien vite entre vous. Encore trop des mensonges, mais toujours aucune promesse...
T'étais loin d'être sevrée de Josh, mais avoir quelqu'un d'autre dans ton lit était un bon moyen de ne pas y penser. Et c'est qu'il avait pris du grade ton yakuza. De simple sous-fifre, il était désormais dans la haute hiérarchie de son clan. Tu ne cherchas pas à en savoir plus, car dans ce genre de milieu, moins t'en sais, mieux tu te portes. Vous aviez une relation dépourvue de tous sentiments, et ça vous allez parfaitement l'un comme l'autre.
Il ne fit aucune remarque sur ta consommation excessive de drogues, et tu n'en fis aucune remarque non plus sur la présence impressionnante d'alcool dans son bar. A chacun ses démons. Vous cherchiez juste de la compagnie, sans les contraires allant avec, et l'âge vous avez juste rendu plus enclin à parler l'un avec l'autre...

Au fil de vos nuits, tu en appris pas mal sur le monde de la pègre, mais toujours à mi-mot. Ton yakuza aimait parler, et toi tu préférais écouter. C'est lui qui en premier amena le sujet des tatoueurs traditionnels après t'avoir regardé toute une soirée examiner le démon à demi achevé dans son dos du bout des doigts. Jusqu'alors, tu ne t'étais jamais réellement intéressée aux tatouages traditionnels, mais c'était la première fois que tu en voyais un aussi beau et... Impressionnant. La technique était parfaite, le trait presque vivant. Le niveau n'avait rien à voir avec ceux que tu connaissais. C'était un autre monde, très différent du tien jusqu'alors très punk et déstructurés, légèrement improvisés, presque désordonnés...
Cela changea beaucoup après ta rencontre avec Horiyoshi VI.

D'apparence, Horiyoshi était un homme sec et austère, au port toujours droit et l'apparence sévère, dont les lèvres étaient si pincées qu'elles donnaient sans cesse l'impression de n’être qu'un trait un peu froissé. Tu n'eus pas besoin de le regarder longtemps pour comprendre que ce n'était pas le genre d'homme avec qui on rigolait tous les jours.
S'il sembla septique à l'idée qu'une femme puisse s’intéresser à cet art presque exclusivement masculin, il te laissa tout de même étudier son book, tandis que lui et ton yakuza se mettaient au travail. Naturellement, pour t'en mettre plein les yeux, ton yakuza avait décidé de se faire tatouer avec les méthodes traditionnelles, aussi douloureusement éprouvantes, mais terriblement impressionnantes.
S'il est possible de tomber sous le charme d'un art, tu fus éperdument amoureuse à partir de cet instant précis. Les techniques Teboris devinrent pour toi la forme la plus raffinée qui soit de la scarification. C'était grandiose. Sublime, même. Tu passas tout le reste de la séance à le regarder faire dans un silence proche du religieux. L'effet sur toi fut immédiat et, le soir même, tu commenças à étudier les œuvres du book qu'on t'avait laissé emprunter...

Il se passa au moins un mois avant que ton yakuza t'apprenne que Horiyoshi voulait te revoir. Il avait fini par apprendre ton soit disant métier au fil de séance avec ton amant, et lui aussi voulait désormais voir ton book. Sans surprise, il le dénigra de long en large, trouvant tout au mieux tes œuvres vulgaires, hésitantes ou trop débutantes pour être appelé ainsi. Évidemment, tu te vexas, mais devant un homme qui avait probablement fait son premier tatouage intégral bien avant ta naissance, c'était difficile de paraître crédible, hein?
À ses côtés t'étais à peine une gosse Jess, et tu le compris assez vite.

Après un silence aussi lourd que long, le maître te fit une proposition assez vaniteuse : il t'offrait le privilège de pouvoir le voir travailler tous les jours en échange de quoi tu t'occuperais de ranger et nettoyer les lieux. Tu ne connaissais pas assez la culture japonaise pour réellement comprendre l'offre qu'il te faisait, donc, sans surprise, tu lui ris au nez et tu te cassas en l'envoyant bouler... Avant de revenir trois jours plus tard pour finalement accepter en lui présentant de plates et profondes excuses sur sa demande. Ton ego en prit pour son grade, mais tu pus revenir dès le lendemain le voir travailler.
Tu étais en train de remplacer une drogue par une autre, et tu échangeais ton Josh par l'Irezumi. À partir de ce jour, tu t’intéressas à l'art traditionnel de façon presque monomaniaque, te plongeant si profondément dans ton travail que tu réussis à faire taire la douleur et le mal qui te rongeaient toujours en silence...
Oui, tu gagnas de nouveau un sursis.

Au début, hormis le ménage - que, par ailleurs, tu faisais affreusement mal et avec une mauvaise volonté flagrante -, tu n'avais aucune autre tâche, ce qui te permettait de passer le reste de ton temps à étudier les œuvres et les techniques du maître en présence de client. C'était toujours passionnant, et si certains étaient mal à l'aise à l'idée qu'une femme les regarde ainsi, ils s'y firent au fil des séances...

La relation entre Horiyoshi et toi fut continuellement tendue, et ce même quand si tu essayas en vain de te montrer un tant soi peu respectueuse. Tu restais une grande gueule colérique et prompte aux crises furieuses dont tu avais le secret, et lui était un homme que l'âge avait rendu de moins en moins tolérant sur beaucoup de choses. Très vite, tu pris le réflexe de partir avant de dépasser tes limites, et tout aussi vite, Horiyoshi apprit à ne faire aucune remarque sur cela. Vous arriviez à coexister, c'était amplement suffisant.
Il te fallut presque un an pour réussir à faire quelques efforts de langage en sa présence, alors que tu quittais ton langage familier pour quelque chose de plus correct. Améliorer ton japonais devint presque vital à partir du moment où vous commençâtes à discuter fréquemment : maître Horiyoshi avait la fâcheuse tendance à couper court à vos conversations à cause de ton langage ''irritant'', ce qui avait la toute aussi fâcheuse tendance à te faire rentrer dans une colère noire. Plus d'une fois, tu dus prendre sur toi pour ne pas te jeter sur lui et le réduire en charpie...
D’après Horiyoshi, on ne pouvait comprendre réellement l'Irezumi sans comprendre le Japon. Or, comment pouvait-on comprendre un pays si on n'en maîtrisait pas la langue? Quelle belle ironie quand on y pense! Toi qui avais passé ta jeunesse à haïr le Japon, ce n'est qu'à l'aube de tes trente ans que tu commenças à le regarder sous un nouvel angle. Cependant, tous tes nombreux et épuisants efforts ne se révélèrent pas vains, et furent honnêtement récompensés par l’immense privilège de pouvoir mélanger les encres du maître avant chaque séance de tatouage. Un véritable honneur.
... Ouais, c'est à partir de là que tu commenças à te comprendre que t'allait quand même grave en chier avant de pouvoir retoucher à une aiguille...

Quinze mois plus tard, tu étais toujours à Yokohama, sans réellement savoir pourquoi. Horiyoshi VI était probablement la pire carne que la terre n'ait jamais mise sur ta route, mais il avait l'avantage de t'exténuer au point que tu n'avais pas le temps de te laisser aller à ta dépression. Sa repartie avait au moins le mérite d'être à l'épreuve de tes colères, qu'il pouvait parfois faire retomber comme un soufflet avec ses répliques aussi sèches que criantes de vérité. Il te renvoyait sans cesse la futilité de ton animosité à la figure, te donnant fréquemment la sensation de n'être une gosse prise en faute. Il était agaçant, mais il était sage, et ça, ça te changeait...
Au fond tu l'admirais, et ça t'aurait tué de l'avouer.

Horiyoshi réussit même l'exploit de te faire diminuer ta consommation de drogue. Il fallait bien : les mains tremblantes, c'était limite pour t’entraîner. La première fois qu'il te vit en manque, il te jeta dehors, avec toutes les remontrances du monde et la seconde fois, il t'interdit de revenir avant d'avoir réglé ce problème. Tu t'es rarement sentie aussi conne que ce jour-là. Sur le coup, t'as bien pensé à abandonner, n'est-ce pas? C'est vrai que t'as jamais été le genre à lutter face à l'adversité, Jess, mais plus à fuir devant les problèmes que tu ne pouvais pas régler avec un coup de pied dans la face ou un peu de gringue. Or, là, c'était un sérieux problème.

Que faisais-tu encore dans cette ville? Il t'arrivais par moment de te demander l'utilité de tous tes efforts, pour finalement toujours retourner vers lui après quelques jours de réflexions, l'air un peu conne, comme tu l'avais toujours fait. C'était la première fois que tu aimais un art de la sorte, alors tu t'y accrochais en ignorant parfaitement où cela te mènerait...
À ton retour, Horiyoshi commença, sur ta demande, le tatouage qui aujourd'hui recouvre intégralement ton dos et ton bras gauche, faisant alors disparaître une partie de ton passée sous son encre. Jamais une douleur n'avait été aussi libératrice et éprouvante que celle de ce tatouage. C'était là la signature d'un engagement tacite entre vous. Un engagement qu'il lui fallut plus de deux ans pour finir de l'inscrire sur ta peau.
Horiyoshi, lui, ne te lâcha plus après cela, et c'est uniquement grâce à ça que tu tins aussi longtemps sous son enseignement. C'était éprouvant, mais gratifiant, sans que tu ne puisses vraiment dire pourquoi. Votre relation était sur bien des points chaotique, mais étrangement tenace...

Travailler pour le maître tatoueur ne fut pas une partie de plaisir, et ce même après ça. Il était aussi dur qu'exigeant, et rien de ce que tu faisais ne semblait suffisant où acceptable. Bien sûr, tu mettais ça sur le dos du côté ''samouraï'' des Japonais - le sacrifice, l'honneur, et toutes ces conneries -, mais ça t'agaçais quand même. C'était comme si que tant que tu ne donnerais pas tout ce que tu avais dans ton travail, ça ne serait jamais suffisant. Ouais, sauf que tout donner pour autrui, ce n'était pas vraiment ton truc.
C'était la première fois de ta vie que tu t'investissais autant dans quelques chose n'impliquant pas de te détruire plus où moins consciemment, alors il valait mieux faire un pas après l'autre. Tu rageas donc presque chaque jour, puis tu appris à ravaler tes colères. Tu abandonnas mille fois avant de commencer à persévérer en silence. Quant à la patience, passé la seconde année sans pouvoir martyriser d'autres peaux que la tienne, elle avait été on ne peut plus acquise. Tu cessas doucement de voir l'Irezumi comme une excuse et commenças enfin à en comprendre le sens.
Et alors seulement tu évoluas, et ce bien malgré toi...

Chaque chose que tu gagnais était toujours difficile à avoir, tout autant qu'à apprendre. Il ne se passait pas une journée sans que tu peste à tout va, ton caractère ne s'étant pas une seule fois adoucis au fils des années. Tu passais tellement de temps à ronger ton frein que c'est à peine si tu avais le temps de te réjouir quand Horiyoshi t'apprenait enfin de nouvelles choses. Ton mauvais caractère était sans cesse mis à rude épreuve. Si tu étais continuellement sur les nerfs, tu apprenais néanmoins à ne plus te laisser aller à ta colère - ou du moins, tu la centralisais sur ton yakuza et vos ébats.
L'irezumi était aussi bien une histoire de coutume et de tradition, que de rigueur et de technique. Or, quand on parlait de quoi que ce soit comprenant leurs traditions et des étrangers -toi, quoi-, les japonais se montraient toujours exagérément rigoureux, à ton grand damne. Aussi, tu ne pus commencer à t'occuper de clients, et uniquement de ceux ne faisant pas partie de la pègre et acceptant l'utilisation d'un dermographe standard, qu'au début de ta quatrième années. Enfin!

D'ailleurs, c'est à peu près à la même époque que les choses changèrent à Yokohama. Encore une fois, tu ne cherchas pas à connaître le fin mot de l'histoire, mais Horiyoshi ne pouvait plus rester dans cette ville. Tu ne fis aucune remarque, mais tu te doutais bien l'absence que ton yakuza depuis une dizaine de jours ne devaient pas être étranger à la chose. Manifestement, un règlement de comptes était en cours.
Horiyoshi décida donc de partir pour Tokyo et il te demanda sans détour de venir avec lui, te reconnaissant - enfin - officiellement comme son apprentie, et ce malgré ton minois de britannique et ta paire de seins. La classe hein? Ouais, c'était un jour à marquer d'une pierre blanche pour tous les gaijins à poitrine du Japon.
Et dire qu'il te restait probablement encore une dizaine d'années à suer sang et eau avant de pouvoir prendre la relève.

Même si l'idée de retourner à Tokyo, sans surprise, ne te charma pas du tout, tu acceptas néanmoins l'offre avec quelques conditions. La capitale t'agaçait d'avance, certes, mais abandonner maintenant était encore plus frustrant. De toute façon, tu ne connaissais pas d'autres maîtres Irezumi, et même dans ce cas là tu aurais refusé d'en changer : tu n'en avais pas autant chié pour recommencer à zéro avec une autre vielle carne! Certes, Horiyoshi t'agaçait, mais en quatre ans vous aviez appris à supporter vos caractères respectivement aussi imbuvables l'un que l'autre : il savait comment éviter tes crises de colère, et tu avais plus où moins appris à ravaler ta grande gueule devant lui. Votre passion commune pour l'Irezumi était bien la seule chose vous poussant à faire autant d'efforts...

- Ouais, une belle merde tout ça...

Dis-tu pour toi-même avant de soupirer, accoudée à la fenêtre de ta chambre avec une énième cigarette au bec. Ainsi voilà toute l'histoire et les raisons de ta présence dans cette ville qui ne semble jamais dormir...
Comme la plupart des apprentis traditionnel, tu as donc finis par vivre chez ton maître tatoueur, et ce même si cela à quelques désavantages notoires quand on sait à quel point Horiyoshi te jette toujours autant dehors dès qu'il voit l'ombre d'un paquet de drogue. Si tu avais pu réduire tes doses ces dernières années, arrêter avait toujours été hors de propos, et il le savait tout aussi bien que toi. À ton niveau on s'en sortait plus juste avec de la ''bonne volonté'', et ruiner ta maigre stabilité psychique en t'envoyant en centre de soin aurait été dommageable...
Cependant, une question me taraude tout de même. Toi qui as pris quatre ans pour seulement commencer à être stable, combien de temps penses-tu qu'il te faudra pour sombrer de nouveau, une fois que Tokyo commencera de nouveau à te dévorer?
À méditer, Jess...



Are you a little bit Crazy ?

Faut croire que quand on goûte à la folie, aussi mensongère soit-elle, ça laisse toujours des traces, n'est-ce pas, Jess? Beaucoup te décriront comme une folle furieuse, une furie aussi agressive qu'impulsive, et il y aura probablement une part de vérité dans le tableau fantasque qu'ils se feront de toi et de tes colères. Si elles sont de plus en plus rares au fil des années, n'en restent pas moins aussi impressionnantes que violentes. Rarement envers les autres. Trop souvent contre toi-même...

T'es typiquement la femme cool aux abords froids qu'on ose approcher en sachant pertinemment qu'on s'y brûlera, et ce avant même d'avoir pu goûter à tes lèvres sanguines. Ils savent parfaitement qu'à un moment ou à un autre, ils regretteront d'avoir joué avec le brasier qui te consume, mais n'est-ce pas là ce qu'ils cherchent? Ta méchanceté se confond trop souvent avec de la franchise aux accents cassants, tandis que tu caches ta cruauté sous des sarcasmes moqueurs. Oui, tout cela n'est rien de plus qu'un jeu dans lequel tout le monde finira par se blesser. Toi la première.

Avec les années tu te contrôles de mieux en mieux, et de plus en plus longtemps. Ton mal reste latent, presque endormi. Tu n'en parles pas, et tu te convaincs de l'oublier, l’ensevelissant sous la drogue et le travail. Tu t’épuises pour ne pas prendre le temps d'y penser. Parfois cela marche des semaines, parfois même des mois. Puis brusquement tu imploses et tout s'écroule de nouveau, et il faut recommencer, encore une fois, pierre par pierre, à tout reconstruire.

De tous tes poisons, ta possessivité maladive est le pire. Si tu lattes l'amour à grands coups de batte à clous, ta possessivité elle, en revanche, n'a en rien changé malgré ses dernières années. Elle acère ta violence et exacerbe ta cruauté. Tu ne partages jamais, cherchant l'exclusivité, sans pour autant la donner en retour. Tu as toujours été ainsi, à vouloir tout prendre sans jamais donner, pareil à une gamine trop capricieuse. S'il n'est rien de pire qu'une femme jalouse, alors toi, Jess, qui crèves de jalousie un peu plus chaque jour, tu es probablement la pire chose que cette terre n'ait jamais porté...

Tant que tu le pourras, tu resteras debout, droite et fière, et ce quand bien même il ne faudrait pas grand chose pour que tu sombres à nouveau. Quand on pense qu'une simple lettre pourrait en un instant détruire  ce qu'il t'a fallu quatre ans pour stabiliser. Oui, viendra alors ce moment où tu briseras tout, trop inéluctablement et involontairement pour ton propre bien. Même toi, tu finiras par te briser de nouveau.
C'est une boucle sans fin Jess, qui se répétera encore et encore. La seule différence, cette fois, sera juste le nombre de victimes...



I look like ...
''Jess'' c'est tout un personnage, une prédatrice, un ensemble qui te colle à la peau. C'est ces cheveux noirs corbeau, tombant sur tes épaules et coulants de plus en plus loin dans ton dos au fil des années, se perdant désormais au creux de tes reins. C'est ce visage aux traits tout ce qu'il y a de plus british, aux yeux d'un bleu froid et aux long cils noirs, qui jaugent continuellement le monde avec une haine teintée de fierté. C'est ces lèvres trop bien dessinées et ce rouge dont elles ne se dépeignent jamais. C'est cette apparence fine, élancée, renforcée par ses bras et ses jambes presque trop longs. Presque trop maigres.
Jess, c'est ce charme quasi magnétique, et cette attitude quasi électrique qui finiront par les séduire avec sauvagerie. C'est cette voix dure, profonde, quelque chose de bas, de murmurer, juste ce qu'il faut de haut perché et d'intonations graves pour en faire une voix troublante. C'est cette démarche et l'impression constante qu'elle dégage, comme si le monde tout entier t’appartenait quand tu arrives ainsi, la tête trop droite, l’allure trop fière...
Jess, c'est une image, un paraître incassable, inébranlable, et inatteignable, et ce même quand tout le reste n'est fait que de verre...

Tu n'as besoin de rien pour qu'on te remarque, ta présence est écrasante entre tes abords atypiques et ton charisme indiscutable. On ne peut pas t'ignorer, ça a toujours été comme ça, on t'aime, on te hait, mais en aucun cas on ne t'oublie. Tu laisses une marque indélébile, presque brûlante, dans l'esprit de quiconque croise ta route. Tu es une tempête, un fléau. Que ce soit en bien ou en mal, tu déposes toujours un goût doux-amer sur les lèvres que tu goûtes, mélange de décadence fautive et de désirs capricieux. Ils en deviennent fous. Ça les consume. Partagée entre la putain et la muse, tu les fascines.
Tu les consumes...

Depuis l’adolescence, ton corps a toujours été parcheminé de différents tatouages, mais aucun ne rivalise en taille et en travail avec celui qui aujourd'hui recouvre tout ton dos et bras gauche, te dévorant le corps du coude au début arrière de tes cuisses. Fait dans le style traditionnel japonais, il représente un scolopendre reposant sur un lit de brumes et de chrysanthèmes aux couleurs froides, s'entortillant autour de ton épaule et ton bras où sa tête rouge repose, tandis que la queue doublés descend, chancelant le long de ton dos jusqu'au début de ta cuisse droite. La plupart du temps, ça surprend tout ceux qui le voient. Faut dire que c'est pas vraiment le genre de tatouage qu'on s'attend à voir sur une gaijin, et ça te plaît. Tu as toujours aimé surprendre...
Ce fut de loin la plus belle et la plus douloureuse des œuvres visibles sur ton corps, étant la preuve la plus criante des changements qui modelèrent ta vie ces quatre dernières années, te permettant doucement de reprendre pied et sortir la tête de l'eau. La douleur a toujours été un bon point d'attache pour toi. Un peu malsain, certes, mais efficace...

Il n'y a pas que l'encre qui habille ton corps aux courbes assassines, il suffit de le toucher pour s'en apercevoir. Même si la plupart de tes scarifications ont disparu sous tes différents tatouages, il suffit de caresser tes courbes pour se rendre compte de leurs nombres. Elles sont omniprésentes, presque constantes, témoins muets de ta souffrance. Il n'y a pas une seule partie de ton corps qui soit épargnée, alors que ces reliefs esthétiques entourent tes bras, dessinent tes jambes et dévorent ton corsage. Parfois ce ne sont que de simples cercles discrets, comme sur tes poignets, tandis qu'à d'autre endroit ce sont des motifs à part entière, des œuvres ayant même fini par s'habiller de quelques couleurs aux fils des années.
L'exemple le plus parlant est ce calavera parant la moitié droite de ton ventre pour y cacher un coup de couteau, erreur de jeunesse. À la base, ce n'était qu'une rose, puis avec les années, tu le transformas en l’agrémentant d'un crâne, pour finalement le coloriser vers tes vingt-cinq ans.
Ton corps change sans cesse de parures, évoluant et muant au même titre que toi...

Il y a toujours cette impression lancinante de distance, cette inaccessibilité froide qui saute aux yeux quand on te voit pour la première fois, comme si un mur avait été érigé entre le monde et toi, sans que personne ne sache réellement qui en plaça la première pierre...
Tu sais, dans le fond je pense que les gens aiment te regarder sombrer. Ils aiment l'impuissance malsaine qu'ils en tirent. Ils sont plus intéressés par l'image qu'ils se font de toi, par cette femme fatale aux abords froids, que par ce qu'ils pourraient découvrir derrière. Faut croire que la réalité est toujours moins belle que les chimères. Puis avec toi, c'est mieux de s’arrêter aux premières impressions, les suivantes sont toujours trop douloureuses. Spectateurs passifs, presque craintifs, ils préfèrent te cantonner au rang de fantasme, tu sais, le genre de fantasme dont on ne sort jamais indemne une fois qu'on y goûte...

Oui, "Jess", c'est des attitudes mensongères cachant leurs poisons sous des caresses trompeuses. C'est un trop plein d'audace, aux envies vénéneuses, couvrant ta douleur sous des regards charmeurs...

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